Masamichi Yoshikawa, le céramiste japonais contemporain expose à l’Espace Muraille

Aujourd’hui célèbre pour ses pièces architecturées en porcelaine couverte d’une céladon bleu pâle, Masamichi Yoshikawa a pourtant commencé par étudier le design à l’institut de Design du Japon. Il exercera le métier de designer quelques années pour finalement s’installer à Tokoname, ville qui abrite l’un des six anciens fours du Japon. A Tokoname, les vastes gisements d’argile rouge aux alentours ont permis la floraison de nombreux ateliers fabriquant des grès non émaillés cuits à haute température. Mais Masamichi Yoshikawa , lui, n’est pas attiré par l’argile rouge et il nous explique pourquoi :

« Ici, à Tokoname, la terre utilisée est rouge (shudei), cuite à haute température, elle donne un très beau grès, les yakishime. Pendant des siècles, les potiers d’ici ont fait principalement des objets utilitaires, de la vaisselle et des matériaux de construction. Quand je me suis installé́ à Tokoname City en 1970, j’avais 24 ans et un diplôme de designer en poche, c’était pour concevoir des objets destinés à la Scandinavie. J’ai continué cette activité quelques années, puis j’ai rejoint l’atelier de Yoshan Yamada, un céramiste influent de la ville.

Les années 1970 ont été, ici comme dans beaucoup d’endroits du monde, une période d’intense interrogation sur l’esthétique. Je ne crois pas que les artistes japonais soient des intellectuels comme en Occident, notre quête n’est pas conceptuelle. En revanche, nous nous sommes posés beaucoup de questions sur la qualité des formes dans l’espace. Finalement la création céramique s’est imposée à moi, parce qu’elle me permettait de laisser libre cours à tous mes sens, à la participation de mon corps tout entier conjuguée à celle de mon esprit.

Je suis né en 1946 à Furasato dans le district de Chigasaki, non loin de Tokyo. Je me souviens avec plaisir de mon enfance et des expériences que j’ai vécues. Petit, j’aimais jouer dans les bois et les odeurs de la terre et de la nature me reviennent instantanément quand j’y repense. J’attrapais des poissons dans les rivières, courais le long des sentiers, m’asseyais sur les rochers, regardais les rizières, avec déjà l’impression d’appartenir intégralement à un tout, et sans en avoir vraiment conscience, j’utilisais mes cinq sens pour découvrir et comprendre le monde qui m’accueillait. Je m’enivrais de la nature ou plutôt de ma propre existence au sein de celle-ci. Aujourd’hui parfois, je me pose la question de savoir pourquoi j’ai choisi cette matière ou cette forme, c’est ma perception et mes sensations qui me l’ont dicté. {…} Je mets beaucoup de moi-même dans mes réalisations. J’y pense sans cesse, chaque chose m’inspire: un paysage, une œuvre d’art ancienne, un monument {…} Le bleu, ce fut comme une illumination. Dans cette région, tout le monde fabrique des grès en cuisson yashikime. J’ai commencé à travailler le grès rouge avec Yoshan Yamada, mais cette terre ne me plaisait pas vraiment, alors j’ai préféré opter pour le blanc de la porcelaine qui, comme la feuille de papier, permet le décor. Le hakuji (blanc), le sei hakuji (blanc bleuté) me convenaient mieux. Les pièces chinoises des Song du Nord exercent sur moi une évidente fascination, elles sont considérées à raison comme le sommet, l’apogée de la céramique chinoise. Elles se sont imposées d’elles-mêmes, ainsi que les pièces coréennes de la dynastie des Yi, comme l’exemple qu’il me fallait suivre. C’était ça et rien d’autre que je voulais faire.»

Extrait de La revue de la céramique et du verre, N°162 septembre-octobre 2008, pp 31-32

Retrouvez Masamichi Yoshikawa à l’Espace Muraille de Caroline et Eric Freymond du 20 septembre au 23 novembre pour une exposition intitulée Sola Tobu Izumi (Printemps volant dans le ciel).

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